vendredi 15 novembre 2013

Inside Llewyn Davis (2013)






 Inside Llewyn Davis, d'Ethan et Joel Coen.


  Une chose est sûre, en sortant de la séance d’Inside Llewyn Davis, j’étais émerveillé. Nous avons clairement à faire à un très bon film, voire même un excellent film. Tout dans ce film est extraordinairement juste. On peut reprocher ce que l’on veut aux frères Coen mais on ne peut pas nier leur incroyable justesse. Que ce soit dans la musique, dans la direction d'acteurs, dans le traitement de l'image, dans le scénario, dans le montage, les dialogues, tout dans ce film est excellemment calibré. Comme si les Coen avaient la science infuse et savaient comment obtenir ce qu'ils cherchent sans même y réfléchir. Ethan et Joel Coen, cinéastes aux doigts de fées ?


   Pour resituer, Inside Llewyn Davis, c'est l'histoire de Llewyn Davis (inspiré de Dave Van Ronk), guitariste et chanteur de folk désabusé errant de canapé en canapé dans le Greenwich Village à New York. Un artiste qui n'a pas beaucoup de succès et qui rêverait de retrouver l'étincelle qu'il y avait avant que son ex-partenaire se jette du haut du George Washington Bridge (et pourtant tout le monde sait qu'on se jette du Brooklyn Bridge normalement). On suivra son Odyssée (une fois de plus) de New York jusqu'à New York en passant par Chicago à la recherche d'un chat et de la gloire.


    Attardons nous sur l'esthétique visuelle et sonore de ce long-métrage. Concernant la photographie, on ne peut que s'incliner devant un tel rendu visuel, on peut rester époustouflé devant l'immensité numérique que nous offre un film comme Gravity, mais nous, cinéphiles, restons, malgré les formidables avancées technologiques faites ces dix dernières années en matière d'effets spéciaux, émerveillés face à un joli plan d'une ruelle déserte en pleine nuit où un homme met une gentille patate à son "ami". Car oui, les situations cocasses de ce film sont très souvent empaquetées d'un rendu visuel très léché. Et qu'en est-il de la musique ? Comment pourrait-on se plaindre face à une BO aussi réussie ? Comment pourrait-on trouver à redire quand la Bande Originale mérite qu'on l'achète à la sortie de la salle ? Car oui, on peut le dire, l'OST d'Inside Llewyn Davis est un must have. Qu'on soit fan de folk ou non, ces mélodies, formidablement chantées à tour de rôle par Oscar Isaac, Justin Timberlake et même Bob Dylan, forment la pierre angulaire de ce film. Et nous prendrons plaisir à les écouter à nouveau même après la séance.


    Oscar Isaac, qui tient le rôle titre, joue très justement un Llewyn Davis de plus en plus désabusé et passif errant dans le métro, dans une voiture ou dans n'importe quel véhicule susceptible de le faire errer un peu plus. Les autres acteurs sont aussi très bons et mis en valeur par des dialogues efficaces comme on a l'habitude d'en voir dans les films de nos deux frères. Des nouveaux aux habitués des Coen, de Justin Timberlake et Carey Mulligan à John Goodman, tous les acteurs se rendent au service d'un comique très souvent aux dépends du pauvre Llewyn que la vie n'a, semble-t-il, jamais fini d'accabler.

   
     Inside Llewyn Davis nous surprend par sa trajectoire linéaire. Ici, pas de success story tombé du ciel d'un génie toxicomane et profondément déprimé. Du début à la fin (justement), Llewyn Davis est un musicien passionné qui ne gagnera pas et se contentera finalement de perdre tout ce qu'il désire (la femme qu'il aime, sa carrière), tête baissée vers son meilleur ami, grattant à tour de rôle les cordes de sa guitare et le dos d'un chat nommé Ulysse. Un chat au nom qui fait écho au thème de l'Odyssée récurrent chez les Coen (cf. O'Brother) sauf qu'ici, le chat Ulysse erre et retrouve son domicile, Llewyn Davis, lui, erre sans jamais trouver "canapé à son pied". Mais après tout, Davis est un chanteur folk, il erre par définition. Notre héros, ici, vit sa passion comme un style de vie, et au fond comme il le dit n'a pas envie de s'installer. Quand Jean, la femme de son meilleur ami, qu'il accidentellement mis enceinte, lui demande s'il lui arrive de penser au futur, il lui répond "Ne t'inquiète pas". Car un chanteur de folk ne s'inquiète pas à propos du futur, il cherche un appartement à squatter pour la nuit et cherchera celui du lendemain une fois le moment venu. Inside Llewyn Davis est un film à ambiance. On s'y plonge, on se laisse bercer par le doux rythme de celui-ci et on rentre en empathie avec un personnage principal qui ne se préoccupe pas des enjeux importants de sa vie, qui est comme nous spectateur, occasionnellement interprète, de sa propre vie. Il navigue  entre les flots de son destin en regardant les échecs s'accumuler sans réelle surprise. Il vogue sur son bateau et n'entend pas le chant des sirènes. Llewyn Davis est un Ulysse sans Ithaque, une vedette sans succès, un début sans fin, un déraciné maintenu dans les airs, agitant les jambes en se raccrochant à sa guitare.

Note : 7.5/10



B.B

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